C’est en cette période de trêve estivale, d’hibernation politique, malgré les braises ardentes des défis économiques et de la demande sociale dont il n’est pas du tout à la hauteur que Mamadi Youla voudrait faire du bruit comme tous les tonneaux vides.
Il s’est essayé à la polémique, à ses risques et périls, pour un homme fragile à la tête d’un gouvernement moribond.
Faudrait-il continuer à plaindre le Président Alpha Condé d’avoir choisi comme premier ministre un homme qui n’a aucune conscience de sa mission et ne peut s’inventer des compétences ou des aptitudes pour la remplir dignement ? Ou faudrait-il se lamenter avec un peuple convaincu comme toujours que le changement est un mouvement de progrès et de rupture, mais pour lui et chaque fois ressemble au mieux à du » sur place », sinon à une marche arrière forcée et brutale ? Ou encore , pour être charitable, faudrait-il s’apitoyer sur le sort d’un homme qui est le seul à ne pas savoir que même les plus optimistes ont désespéré de lui, que son passage à la primature qu’il faut souhaiter une parenthèse malheureuse est une des nombreuses séquences de la tragi-comédie guinéenne en marche avec lui ?
Mamadi Youla doit savoir avant qu’il ne soit premier ministre par l’unique fait du prince, il n’intéressait personne comme des milliers d’anonymes dans le pays, et quand il ne le sera plus, il intéressera moins encore quelqu’un parce qu’il retombera comme par le passé dans la vie ordinaire d’un citoyen normal.
En attendant ce jour fatidique, il devrait comprendre que la critique est dans la nature profonde du pouvoir même imaginaire qu’il détiendrait et le lot quotidien des hommes et femmes au-devant de la scène publique et appelés à décider du sort des citoyens d’un pays. Peut-être ferait-il exception à cette règle de l’engagement public, lui, qui, de toute évidence, se considère comme un saint omniscient et omnipotent. Le cardinal Jules Mazarin n’a pas inspiré ni éclairé, malheureusement pour la Guinée, le professeur Alpha Condé dans le choix certes discrétionnaire mais engageant tout de même chacun et tous de son premier ministre singulier : « Méfie-toi des hommes de petite taille, ils sont butés et arrogants ». Toute ressemblance avec un homme connu maintenant qu’il est devenu premier ministre n’est que pure coïncidence!
En tout cas, le premier ministre a perdu son sang-froid face aux récriminations dans le pays et semble perdu dans les tirs croisés contre son gouvernement, le plus impopulaire de l’histoire politique récente du pays. L’allusion vague et insidieuse qu’il a faite à la transition est une critique superficielle et artificielle comme tant d’autres qui coule sur les acteurs comme l’eau sur les plumes du canard. Car une critique ne fait mal que lorsqu’elle est fondée et rencontre un écho populaire comme celles à répétition et unanimes contre Mamadi Youla et son gouvernement disqualifiés mais continuant cependant à peser sur le quotidien et l’avenir de chaque guinéen. Le pays s’écroule, les Guinéens coulent. Jusqu’à quand l’apprenti-PM bénéficiera-t-il d’un sursis, l’apprenant-leader pourra-t-il tenir ?
Youla, » un bébé transition »
Pour Mamadi Youla et ses semblables, le changement, plus encore la vie commence et finit avec eux et l’enfer, ce sont les autres. Depuis l’indépendance de la Guinée, tous les gouvernements qui se sont succédé ont tous eu la faiblesse de croire qu’ils étaient investis d’une mission messianique, que le miracle attendu depuis toujours viendrait d’eux. Chaque Premier ministre, ministre…est tenté de croire qu’il est supérieur à ses prédécesseurs, qu’il est le plus intègre et patriote d’entre tous. La vérité est différente : les Guinéens regrettent souvent leur passé parce qu’ils finissent par se rendre compte avec la lucidité du recul et les espoirs chaque fois déçus que beaucoup de leurs leaders, par » clientélisme et populisme » veulent toujours opposer le bilan, quel qu’il soit par ailleurs d’autres à des chimères.
Celles-ci montrent leurs limites avec l’épreuve du temps et la dure réalité de l’exercice sacerdotal du pouvoir. La Guinée est le seul pays où n’avoir jamais rien fait est un mérite pour beaucoup comme Mamadi Youla. Manquer de repères et être totalement inconnu du bataillon, donc » neufs » serait le critère d’honnêteté et » d’éligibilité » aux différents postes de responsabilité. En réalité, ils se retranchent derrière le fait de n’avoir » jamais servi » pour tromper la vigilance et abuser de l’opinion publique parce qu’ils savent qu’ils ne peuvent pas se comparer à des compétences éprouvées ou rivaliser avec des personnes dignes et indépendantes, fières de leur histoire et dont le destin ne dépend pas des aléas d’un décret ou des faveurs et grâces d’un homme au pouvoir.
» Certaines personnes » que le PM prétend avoir vu à l’œuvre, n’ont rien à lui envier, lui, le » mal aimé » de toutes les générations de PM. On a trop attendu de le voir à l’œuvre.
Les Guinéens en ont conclu qu’ils ne peuvent rien attendre de lui et implorent Dieu de les libérer de » cette grande compétence » que personne ne pleurera !
Mamadi Youla s’est encore défendu avec l’idée candide que c’est en cassant le thermomètre qu’il fera retomber la fièvre en ces termes : » Quel contexte, pour quels résultats ? ». Réponse : un contexte flatteur et historique d’une transition démocratique à un moment de toutes les difficultés pour notre nation, confrontée au défi de la démocratie et à l’angoisse de son avenir. Malgré tout, le pari de passer la main à un pouvoir civil dans un temps record, sans doute un des plus courts de toutes les transitions a été gagné. Au moment où partout dans le monde, les hommes s’accrochent au pouvoir acquis démocratiquement ou non, ce n’est certes pas un acte héroïque, mais ce n’est pas non plus banal et ordinaire. A la clé, l’avènement au pouvoir du professeur Alpha Condé qui, s’il n’avait pas été président, jamais Mamadi Youla qui n’en a ni le profil ni le mérite particulier n’aurait été premier ministre. il est donc un enfant même naturel de la transition qu’il se plaît à caricaturer dans l’aventurisme habituellement reconnu aux ignorants ou arrivistes imprudents et impudents. Son mentor appréciera !
Enfin, je voudrais rassurer Mamadi Youla que je suis prêt à débattre avec lui quand il veut et partout où il veut de notre bilan à chacun dans tous les domaines. voilà le vrai débat que la peur de la critique ne peut occulter , encore moins, la hantise de se retrouver confronté à son tour à la vie d’anciens ministres raillés par les » petits nouveaux » et qui sont aussi pris à partie souvent par une opinion manipulée à dessein pour les faire taire ou les contraindre à une retraite anticipée et forcée. Au suivant…
Tibou Kamara